Asier Gogortza : l’architecture au cœur du Pays basque

Rencontre avec un photographe scrutant la relation entre l'homme et le paysage

Arts plastiques & arts visuels
Rencontre
Par Champs Libres Média – La rédaction
6 minutes de découverte
21 • 09 • 2020

Des lignes épurées, des formes géométriques, des architectures vernaculaires, tels sont les éléments qui caractérisent le travail de Asier Gogortza. Que ce soit dans la série « Plaza libreak », « Muga » ou « Mendebalde », il recherche à comprendre la relation de « l’homme bâtisseur » avec le paysage. Rencontre avec un photographe fasciné par les architectures populaires et ce qu’elles disent de l’identité basque.

Asier Gogortza est bien connu des amateurs de photographies pour avoir été l’un des membres du tandem barcelonais emblématique Gogortza&Llorella, deux photographes spécialisés dans l’architecture. Leur aventure a duré six ans, six années fondatrices où il prend le temps d’intégrer l’architecture à ses projets photographiques. L’ancien journaliste passionné de photographie dont il maîtrise toutes les techniques, de la camera obscura au numérique, a trouvé sa voix.

Revenu sur ses terres bascophones, il se lance dans des séries dans lesquelles il cherche à témoigner de la relation de l’homme bâtisseur avec le paysage, comme dans ses séries « Muga », « Mendebalde », « Plaza Libreak » ou encore « Baztergintza ». Dans « Plaza libreak », Asier Gogortza s’intéresse aux frontons et à la manière dont ces architectures typiquement basques dialoguent avec le paysage. « Mendebalde » est consacré aux façades des fermes d’Euskadi, mais uniquement aux façades exposées à l’ouest, sans fenêtre, sans ouverture au monde. « Les murs aveugles et murs arrière des maisons sont comme des toiles qui nous parlent du passage du temps. Esthétiquement, je les trouve très suggestifs ». Et d’ajouter : « Photographier et préserver ces ruines du passé est une obsession pour de nombreux artistes, pour moi y compris ».

Pour ces séries, vous avez photographié des architectures vernaculaires. Qu’est-ce qui vous touche, vous surprend, vous intéresse dans ces architectures du quotidien ?

Dans mes projets plus personnels, je ne photographie jamais de personnes, mais de mon point de vue, l’architecture (surtout l’architecture vernaculaire) est le reflet des gens et des sociétés. Un mur de pierre ou une maison peut parfois en dire beaucoup plus sur les personnes qui l’ont construite qu’un portrait d’elles-mêmes. L’architecture populaire porte en elle des années, voire des siècles, de sagesse de chaque culture. De plus, en utilisant des matériaux spécifiques à chaque lieu, la symbiose avec le paysage est naturelle. Dans les deux séries, Mendebalde et Plaza Libreak, j’ai photographié les murs comme s’il s’agissait de toiles ou de fenêtres qui contiennent beaucoup d’informations sur notre passé et notre culture.

Je dois également dire que nous sommes à une époque très intéressante où, selon certains, l’architecture vernaculaire est en train de disparaître et où il ne nous reste que des vestiges du passé. Photographier et préserver ces ruines du passé est une obsession pour de nombreux artistes, pour moi y compris. J’ai souvent le sentiment d’être une sorte de médecin légiste : je certifie la mort de constructions architecturales, de villages, de paysages…

Mais, d’un autre côté, je considère que l’architecture vernaculaire n’est pas en train de disparaître mais de se transformer en quelque chose d’autre, soit en raison de la quantité de nouveaux matériaux qui sont entrés sur le marché au cours des dernières décennies, mais aussi en raison du fait que l’information ne se transmet pas comme elle l’a fait pendant des siècles, de génération en génération, mais que la nouvelle culture de l’information fonctionne de manière beaucoup plus compliquée et diverse.

Je trouve très intéressantes les variantes de ce que je considère comme la nouvelle architecture populaire, comme les cabanes dans les huertas ou les maisons précaires des migrants.

Pour les séries « Mendebalde » et « Muga« , pouvez-vous expliquer ce que vous cherchez à montrer, à suggérer de la relation entre architecture et paysage ?

Dans mes projets, les thèmes principaux sont le paysage et l’architecture, deux concepts compris comme des interventions humaines directes sur le territoire. Je m’intéresse à ce dialogue entre l’architecture et le paysage. En ce sens, les deux concepts se croisent constamment, le paysage est le résultat du mode de vie d’une société et l’architecture est fortement influencée par le paysage. En même temps, je crois que le paysage influence la personnalité et la culture d’un lieu particulier. Les habitants du désert n’ont pas le même caractère que ceux de l’Amazonie, et une partie de ce caractère est façonnée par le paysage qui les entoure. Donc, en fin de compte, je pense que je photographie des paysages mais je parle des gens. Bien que je ne photographie presque jamais les gens, leur empreinte est présente dans la plupart de mes projets, soit à travers le paysage (qui est le résultat de pratiques et d’interventions humaines spécifiques sur le territoire), soit à travers l’architecture. 

Pourquoi tenez-vous tant à photographier ces éléments de la culture basque de manière aussi « documentée » ?

Je pense que vous voulez dire que ma façon de photographier est très méthodique, dans le même sens que la photographie documentaire. La question est que j’ai besoin d’une méthode pour réaliser mes séries photographiques, je n’ai pas l’habitude d’improviser des cadrages. Je pense que c’est, entre autres, une réponse au moment actuel de la photographie, où tout le monde prend des photos spectaculaires et expérimente le cadrage et l’éclairage et tous ces trucs que j’appelle la photographie Instagram. J’essaie de prendre des photos très simples et des cadrages très simples, sans filigrane ni grandes démonstrations de technique. Je ne fais pas beaucoup de postproduction non plus. Un bon ami à moi a défini ma façon de photographier comme « méthodique », « sereine » et « subtile ». Avec ces quelques éléments, j’essaie d’allumer la mèche des pensées existentielles.

Comment repérez-vous les lieux que vous photographiez ? Combien de temps consacrez-vous à la prise de vue ? 

Je peux être très obsessionnel quant aux lieux où sont prises mes photos. D’habitude, lorsque je dis à la maison que je vais prendre des photos, je ne sors même pas l’appareil de son étui. Il s’agit plutôt de visiter des lieux, de regarder et de réfléchir aux photographies. Une fois que l’idée a germé et que j’ai l’emplacement exact, je retourne à ces endroits encore et encore jusqu’à ce que je trouve la lumière que j’ai en tête et que je prenne la photo. J’utilise aussi des applications comme google street view, mais je dois alors me rendre sur les lieux encore et encore avant de les photographier.

Asier Gogortza
BeraEspagneNavarre

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