Pour que la culture pousse aussi dans nos campagnes

Printemps de la ruralité
Tribunes Libres
05 • 05 • 2024

Je m’appelle Jean-Luc, j’ai 57 ans, je vis dans un petit village de la Creuse, et je suis fils d’agriculteurs. Je ne suis ni élu, ni artiste de profession. Juste un citoyen rural attaché à sa terre, à ses racines, et aussi à la culture. Celle qui nous élève, nous rassemble et nous fait réfléchir.

J’ai entendu parler de l’opération Printemps de la ruralité lancée par Madame Dati, ministre de la Culture. Enfin, ai-je envie de dire. Parce que oui, la culture a toute sa place ici. Elle ne pousse pas moins bien que dans les grandes villes.

Mais pour cela, il faut sortir du schéma où la culture descend de Paris une fois l’an. On ne veut pas seulement des tournées de théâtre ou de concerts parachutés. On veut de la culture vivante, enracinée, accessible au quotidien.

Voici quelques idées — très simples — que j’aimerais proposer :

  1. Des lieux de culture ouverts et mixtes : Nos petites communes manquent cruellement de lieux partagés. Pourquoi ne pas soutenir la création de tiers-lieux culturels dans les anciennes gares, granges ou écoles désaffectées ? Des lieux où l’on peut voir un film, entendre un conte, participer à un atelier, et boire un verre en discutant avec l’artiste.

  2. Un soutien aux artistes qui vivent ici : Oui, des artistes vivent à la campagne. Des peintres, des musiciens, des écrivains. Mais souvent, ils vivent dans l’ombre. Aidons-les à créer, à transmettre, à organiser des résidences et à faire école. On a des semences sur place !

  3. Des médiateurs culturels itinérants : Comme autrefois le colporteur, pourquoi ne pas imaginer des médiateurs qui vont de village en village, qui apportent des expositions, des histoires, des films, des ateliers ? Une culture qui va à la rencontre des gens, qui s’adapte à la place du marché, à la salle des fêtes ou à la ferme.

  4. La culture à l’école, pas qu’en sortie scolaire : Nos enfants doivent pouvoir pratiquer la musique, le théâtre, l’écriture, m^me tout petits. Et pas uniquement pendant une sortie exceptionnelle de fin d’année.

  5. Revaloriser la mémoire et les savoir-faire : La culture rurale, ce n’est pas que folklore. C’est une histoire, des récits, des gestes, des chants. Il faut aussi leur faire place dans les programmations culturelles, les musées, les festivals. Qu’on arrête de les mépriser comme si ce n’étaient que des curiosités locales.

Ce printemps de la ruralité ne doit pas être une saison passagère. Il faut en faire un enracinement durable. Nous avons besoin de reconnaissance et d’égalité. La ruralité mérite une culture vivante, audacieuse et continue. Pas un feu de paille médiatique, mais un feu de bois qui réchauffe sur la durée.

Alors, venez, écoutez, semez avec nous.

Jean-Luc,
Habitant de la Creuse, citoyen rural et amoureux de la culture.

Jean-Luc en quelques mots

Jean-Luc a ce visage buriné qu’on reconnaît à ceux qui vivent dehors, par tous les temps. Une moustache poivre et sel taillée court. On le croise souvent au petit matin, un panier à la main, revenant du potager avec quelques œufs, un bouquet de thym et parfois un livre calé sous le bras, comme on ramène le pain.

À 57 ans, il vit toujours dans la maison où il est né, à quelques kilomètres d’Aubusson. Une ancienne ferme de granit, qu’il a retapée pierre après pierre. Fils d’agriculteurs, il a quitté les bêtes pour devenir agent technique dans une intercommunalité, un poste qu’il a gardé jusqu’à sa retraite anticipée. Mais son vrai métier, dit-il, « c’est d’écouter, d’apprendre et de transmettre ». Il aime les histoires, les chansons oubliées, les films d’auteur, les livres de terroir comme les romans russes. Il a découvert la culture par une bibliothèque itinérante, qui passait dans son village une fois par mois. « C’est une bibliothécaire qui m’a donné ma première clé vers ailleurs. »

Aujourd’hui, Jean-Luc anime bénévolement un club de lecture à la salle communale, organise une soirée contes chaque automne et fait partie d’une troupe amateur qui joue Molière… en patois parfois. Il ne parle pas de « démocratisation culturelle » ; il parle de « partage », de « chaleur humaine », de « création qui a du goût ». Il ne supporte pas qu’on dise que la campagne est « un désert culturel » : « Ce n’est pas un désert, c’est un champ. Il suffit de le cultiver. »

Ni militant acharné ni rêveur détaché, Jean-Luc est de ceux qui pensent que les idées valent surtout quand elles prennent racine. Et que la culture est comme un arbre : « Si on ne plante rien, c’est sûr qu’on n’aura pas d’ombre. »

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