Pollen et ses artistes : le grand amour

Polleniser l’art / Épisode 3

Arts plastiques & arts visuelsTiers-lieux, résidences & cafés culturels
Reportage
Par Champs Libres Multimédia – Sonia Moumen
15 minutes de découverte
31 • 10 • 2022
Le chiffre est éloquent : 250 artistes plasticiens sont passés par Pollen en trente ans. La plupart d’entre eux sont jeunes (la moyenne d’âge des artistes invités est de 30 ans). Dans ce contexte, comment les accompagner dans le développement de leur carrière d’artistes plasticiens ? Comment préparer un terrain qui favorise le développement de leur travail de création ? Décryptage avec l’expérience de Pollen.



L’éloignement pour oser

Lorsque Pollen se crée en 1991 à Monflanquin, rares sont les projets d’art contemporain en campagne. Ce parti-pris apparaît d’autant plus iconoclaste que artistes, galeries, centres d’art et autres biennales sont plutôt l’apanage des grandes villes, à l’échelle nationale, européenne, voire mondiale. A l’époque, le CAPC de Bordeaux, dirigé par Jean-Louis Froment, rayonne dans le monde entier. Que vient donc faire ce petit Poucet lot-et-garonnais dans un monde hautement branché et urbain ?

Inutile d’aller chercher très loin les arguments qui plaident pour la création d’un tel projet en milieu rural. Les artistes viennent réfléchir et travailler durant trois mois consécutifs loin des trépidations du monde et c’est peut-être une chance. « Ce qui pourrait être vu comme un inconvénient devient un atout. L’éloignement que suppose la campagne permet à l’artiste de s’autoriser à expérimenter, à prendre un risque qu’il pourrait hésiter à prendre en ville où la visibilité peut sembler plus grande, tout du moins plus intimidante. Ici, les artistes peuvent oser. Ils y sont même invités », témoigne Sabrina Prez, médiatrice à Pollen. Même discours chez Denis Driffort, directeur de Pollen : «Il est ainsi apparu que le programme de résidence devait être tourné entièrement vers l’idée d’expérimentation.»

Ici les artistes peuvent oser. Ils y sont mêmes invités.

Sabrina Prez

Se construire à Pollen

Un souhait d’expérimentation qui a parfaitement convenu à l’artiste Amélie Berrodier :  « Pollen a été un espace ou j’ai pu expérimenter des choses différentes de celles que je faisais à l’école, et m’a permis de mieux positionner ma pensée » se souvient la jeune femme. Elle a réalisé sur place, Chacun son histoire, une série de portraits filmés où les habitants de Monflanquin ont posé, parfois plusieurs minutes, comme on le faisait aux débuts de la photographie argentique. La plasticienne, qui a intégré la résidence à la fin de son cursus d’études artistiques, dit s’être construite professionnellement et artistiquement à Pollen : « Ce que j’ai réalisé à Pollen m’a accompagnée pendant plusieurs années et m’accompagne aujourd’hui. Ça m’a permis de comprendre vraiment ce que je cherchais dans mon travail.»

Découvrez ce que dit Amélie Berrodier en résidence à Monflanquin en 2016 pour  son projet Chacun son histoire. Vingt-cinq portraits filmés, silencieux, des habitants de la bastide. L’occasion pour elle d’expérimenter un nouveau dispositif formel, entre photographie et vidéo.

Découvrez la vidéo de Chacun son histoire, vingt-cinq portraits filmés silencieux des habitants de la bastide de Monflanquin réalisés en 2016 et exposés à Pollen en 2017.

Découvrez ce que dit l’artiste plasticienne Amélie Berrodier accueillie pour la première fois en résidence à Pollen à Monflanquin en 2016. Alors jeune diplômée, elle explique en quoi ce temps de réflexion et de création a été fondateur du travail photo et vidéo qu’elle a développé par la suite

C'est un temps plus lent, dans lequel on peut se permettre d'expérimenter, de rater, d'essayer des choses. Et c'est vrai que ce temps de liberté, on ne l'a pas forcément dehors, c'est un autre rythme.

Jimmy Richer

Entre rencontres, équivalences et ruptures

Si ici l’expérimentation est de mise, les artistes ne sont jamais livrés à eux-mêmes. A Pollen, on n’est jamais seul en résidence, mais en binôme. Deux artistes sont toujours accueillis en simultané. Ils ne se connaissent pas forcément, ont souvent des pratiques différentes. « Ça peut être un artiste confirmé avec un jeune artiste, un artiste étranger avec un artiste français. On essaie de créer des rencontres, des équivalences ou des ruptures » explique Denis Driffort, pour qui le choix du bon binôme est toujours un exercice acrobatique. Jimmy Richer, créateur de l’œuvre Le Troisième Yeux, salue quant à lui ces fructueuses collaborations avec d’autres artistes mais aussi avec des artisans d’art locaux qui lui ont permis d’explorer des formes nouvelles, notamment la céramique et le bois.

Découvrez ce que dit Jimmy Richer, artiste plasticien en résidence à Pollen en 2019 pour son projet Le Troisième Yeux.

Un cadre matériel et financier

Mais les artistes, contrairement au mythe romantique, ne se nourrissent pas de l’air du temps… Et ce travail, car il s’agit bien d’un travail, est rendu possible par le cadre matériel et financier proposé par Pollen : bourse de 3 600 euros pour les trois mois, logement sur place, vaste atelier, matériel de création.

Ces conditions, si elles sont nécessaires, ne sont pas le seul atout de la structure. Pour Denis Driffort, la qualité du projet de Pollen vient aussi de son accompagnement : « Je pense que ce qui motive un artiste à quitter son atelier, ce n’est ni l’argent, ni le confort matériel, ni l’exotisme, c’est avant tout l’accompagnement. Sortir de chez soi n’est jamais confortable. Mais cela permet de nourrir le travail en rencontrant un territoire, une population, et pour que cette rencontre se fasse, il faut un accompagnement, à différents niveaux. » Cet accompagnement, la plupart des artistes le saluent, à l’instar de Jimmy Richer ou de la vidéaste et cinéaste Julie Chaffort : « L’artiste est vraiment accueilli en tant que tel, dans le côté humain et professionnel. Et c’est joyeux, doux et bienveillant. »

Découvrez ce que nous dit Julie Chaffort, vidéaste et cinéaste, sur son expérience à Pollen où elle a résidé en 2016.

De la joie, de la bienveillance, c’est ce dont témoignent les artistes invités fin 2021 à fêter les 30 ans de Pollen et qui rend précieux la taille même de ce projet aux dimensions relativement modestes. Nul besoin d’être grand pour être aimé…

art contemporain
Amélie BerrodierDenis DriffortJimmy RicherJulie ChaffortPollenSabrina Prez
Lot-et-GaronneMonflanquinNouvelle-Aquitaine

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