L’artiste camerounais Barthélémy Toguo à Fleur de Lisse
Une célébration de la terre nourricière
POUR SA PREMIÈRE CARTE BLANCHE À UN ARTISTE, CHÂTEAU FLEUR DE LISSE A CHOISI UN ARTISTE ENGAGÉ. UNE MANIÈRE DE RAPPELER QUE LA TERRE EST FRAGILE ET QU’ELLE DOIT ÊTRE, SINON PROTÉGÉE, DU MOINS RESPECTÉE.
Un poisson d’un blanc intense dont les nageoires évanescentes s’enroulent autour d’une amphore, des grappes de raisin en lévitation, des ceps comme des fleuves, des fleuves comme des vaisseaux sanguins, des vaisseaux sanguins comme des coulées de vin. Dans l’exposition Chroniques du vivant, l’artiste franco-camerounais Barthélémy Toguo livre une interprétation onirique du vin et de la vigne.
« Je lui ai proposé une carte blanche dans le chai, mais je voulais que ses œuvres soient en lien avec le lieu et avec la problématique du lieu » détaille Caroline Teycheney, présidente des Vignobles Jade à l’origine de l’invitation de l’artiste. Une carte blanche dont il s’est saisi, non pas avec la peinture ou le dessin, mais avec la céramique.
Sur les 12 amphores en céramique qu’il a créées spécifiquement pour Château Fleur de lisse se côtoient homme, dieu, animal et végétal. C’est à Malaga, dans le sud de l’Espagne, que Barthélémy Toguo a fait réaliser les amphores avant de les peindre. Il y aborde un de ses thèmes de prédilection : la terre, mère nourricière. « La question des vignes et du patrimoine écologique est un sujet d’actualité auquel les artistes doivent participer » explique Barthélémy Toguo, qui en découvrant le chai de la propriété, dit avoir été fasciné par les amphores utilisées pour vieillir le vin.
De la terre nourricière aux migrations humaines
Dans la vaste bâtisse percée de vitraux colorés se répondent ainsi amphores de terre cuite, barriques de bois et les élégantes amphores de céramiques de Barthélémy Toguo.
Au sol, une multitude de salamandres en porcelaine turquoise rampent dans les allées : une manière pour le créateur d’évoquer les migrations humaines. « Il voulait marquer les esprits pour matérialiser le fait que les populations sont aussi sédentaires et que si elles fuient, c’est qu’il y a des raisons qui l’expliquent : les changements climatiques, les famines ou bien les guerres. Autant d’événements qui imposent à ces populations de fuir leur pays alors qu’elles n’en ont pas spécialement envie », précise la propriétaire de Fleur de lisse. L’exil est rarement un choix : un message que Bathélémy Toguo n’hésite à marteler au fil de son oeuvre, comme récemment à Paris. Sous le belvédère de la Pyramide du Louvre, il a élevé le Pilier des Migrants disparus, une œuvre monumentale pour redire que la liberté est un droit inaliénable et que les populations africaines en paient le prix fort.
Un engagement et un ancrage dans l’époque qui ont séduit Caroline Teycheney « Je voulais travailler avec un artiste engagé. Barthélémy Toguo vient témoigner de l’actualité, C’est le reflet de notre génération et de notre époque. C’était important pour moi ». Important aussi pour le public qui trouve ici une belle opportunité de se frotter à l’univers d’un artiste mondialement connu. L’un des grands artistes venus d’Afrique.
« Barthélemy est un artiste très engagé, notamment au Cameroun. Il y a créé construit Bandjoun Station , une sorte de Villa Médicis qu'il a dédiée à la fois aux artistes mais aussi aux agriculteurs. C’est un centre d’art qui vise à soutenir les artistes, mais aussi à remettre l'agriculture au centre de son pays, en disant qu'après chaque récolte, il est important de récupérer les graines pour les replanter l'année d'après. Ce qui m'a plu dans ce partenariat avec Barthélémy Toguo, c'est que nous avons aussi cette même vision de l'agriculture. Notre engagement autour de la biodynamie a été un élément fort pour lui pour travailler avec nous. »
Caroline Teycheney
Une exposition imaginée dans le cadre de Art dans les vignes / BAD-Bordeaux Art Design
Saint-Hippolyte – Gironde
Jusqu’au 30 septembre 2023
Barthélémy Toguo
Figure importante de l’art contemporain, Barthélémy Toguo est né en 1967 dans une petite ville sur le fleuve Nyong au Cameroun. Formé dans des écoles d’art au Cameroun, en France et en Allemagne, il a pour habitude d’utiliser une grande diversité de médiums, de matériaux et de techniques. À la fois peintre, vidéaste, photographe, performeur et sculpteur, Barthélémy Toguo questionne avec force le rapport aux inégalités, à l’immigration, à la condition humaine et à la protection de l’environnement.
Ses œuvres sont présentes dans les plus grands musées du monde : Tate Modern à Londres, au Moma à New York, au Centre-Pompidou à Paris, au Modern and Contemporary Arts au Rwanda ou encore au New Church Museum en Afrique du Sud. Il a récemment présenté sous la Pyramide du Louvre une sculpture monumentale Le Pilier des migrants disparus. C’est la première fois que Barthélémy Toguo travaille en complicité avec un château du Bordelais.
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